La commande publique: un levier pour l’insertion

Article 14 du code des marchés publics :
L’insertion comme condition d’exécution du marché
Définition
C’est en 2001 (décret du 7 mars) que la clause d’insertion sociale et professionnelle est mentionnée à l’Article 14 du CMP dans les termes suivants:
«La définition des conditions d’exécution d’un marché dans les cahiers des charges peut viser à promouvoir l’emploi de personnes rencontrant des difficultés particulières d’insertion, à lutter contre le chômage ou à protéger l’environnement».
Bien que confirmé en 2004 (décret du 7 janvier 2004), le contenu de l’Article 14 a changé dans l’actuelle version du code (décret du 1er août 2006):
«Les conditions d’exécution d’un marché ou d’un accord-cadre peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable en conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l’environnement et progrès social. Ces conditions d’exécution ne peuvent avoir d’effet discriminatoire à l’égard des candidats potentiels. Elles sont indiquées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de consultation.»

Dans la pratique, le lien s’est fait entre les deux versions du texte de l’Article 14, en considérant que parmi «les éléments à caractère social qui prennent en considération les objectifs du développement durable en conciliant développement

économique, protection et progrès social», il y a notamment le fait «de promouvoir l’emploi de personnes rencontrant des difficultés particulières d’insertion».
Le principe de la clause d’insertion sociale et professionnelle est simple : il s’agit de demander, voir d’exiger des entreprises soumissionnaires, qu’elles prennent l’engagement de réserver une part des heures travaillées générées par le marché à une action d’insertion. C’est une condition d’exécution obligatoire et l’offre qui ne satisfait pas à cette obligation n’est pas recevable.
Les marchés concernés:
Tous les marchés de travaux, de services et de fournitures peuvent être concernés. La clause d’insertion peut être appliquée à tous les secteurs d’activités: le bâtiment, les travaux publics,
le nettoyage, la collecte et le traitement des déchets, l’imprimerie, la restauration…
Il est même fortement recommandé de diversifier son application si l’on veut prendre en compte toutes les personnes éloignées de l’emploi. Le bâtiment et les travaux publics s’adressent essentiellement à un public masculin. Par ailleurs, dans le contexte actuel de crise économique, le BTP ne peut à lui seul porter l’effort d’insertion des personnes éloignées de l’emploi. On peut également envisager des clauses d’insertion sur des marchés de prestations intellectuelles qui vont permettre de réserver des heures d’insertion à des jeunes diplômés deniveau BAC ou Bac + 2 qui peinent à trouver leur premier emploi.
Les marchés de fournitures sont moins propices à l’usage des clauses d’insertion car le fournisseur n’est pas souvent producteur et le marché ne génère alors qu’un faible coût de main-d’œuvre. Mais il faut être attentif aux opportunités qui peuvent se rencontrer dans ce type de marchés.
Cependant, le choix d’appliquer ce dispositif se fera en fonction de la durée, de la nature des
prestations, de la localisation et du montant du marché.
Le calcul du nombre d’heures d’insertion à faire figurer dans le marché:
L’usage de la clause nécessite que le maître d’ouvrage fasse figurer dans le Cahier des Charges Administratives Particulières (CCAP) le nombre d’heures d’insertion qu’il souhaite voir effectuer par l’entreprise qui réalisera le marché.
Il s’agit d’une prescription minimale que l’entreprise devra respecter dans l’exécution du marché selon l’une des trois modalités évoquées ci-dessous. Rien n’empêche une entreprise d’aller au-delà de ce minimum, sachant que cet effort supplémentaire ne peut être pris en compte pour le choix de l’entreprise attributaire du marché. Par contre, toutes les entreprises qui répondent doivent respecter dans leur offre le seuil minimal fixé par le maître d’ouvrage. La détermination du taux d’insertion dépend du maître d’ouvrage et de l’offre d’insertion sur le
territoire concerné. Il peut aller de 5% à 30% selon le secteur d’activité. Dans le Valenciennois, dans le bâtiment et les travaux publics, on a pu observer des taux variant de 7% à 18% du montant du marché. L’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (A.N.R.U) a
retenu le taux de 5% au niveau national. Pour faire le calcul des heures d’insertion, il faut
d’abord estimer la part que représente la main-d’œuvre dans le montant du marché. Cela est
nécessaire quel que soit le secteur d’activité. La détermination de la part de main-d’œuvre
varie selon les marchés concernés. Elle est généralement connue des services techniques et
des entreprises. Des sites officiels sont consultables, tel que celui du Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire pour le bâtiment et les travaux publics (pour y accéder sur internet, il suffit de taper: «index nationaux bâtiment» ou «index nationaux travaux publics»).

Pour certains marchés comme le traitement des déchets ou le nettoyage, il faut tenir compte de contraintes particulières liées à l’obligation de reprise du personnel par l’entreprise qui obtient le marché. Si tel est le cas, on peut prévoir une clause qui stipule que, pendant l’exécution du marché, l’entreprise doit, pour tout emploi vacant ou nouvellement créé, réserver un poste sur deux à des personnes éligibles aux dispositifs d’insertion.

Dans le cadre de son engagement,plusieurs options peuvent être offertes à l’entreprise. Il s’agit de présenter à l’entreprise une réponse en termes d’insertion qui aura été préparée à son intention, de manière à transformer le sentiment initial de contrainte en offre de service.

Les options offertes aux entreprises:
Trois solutions peuvent être proposées à l’entreprise:
  • Le recours à la sous-traitance ou à la co-traitance à une entreprise d’insertion.
  • La mise à disposition de salariés rencontrant des difficultés particulières d’insertion via une Entreprise de Travail Temporaire (ETT) ou d’Insertion (ETTI), un Groupement d’Employeurs pour l’Insertion et la Qualification (GEIQ) ou une Association Intermédiaire (AI).
  • L’embauche directe via des Contrats à Durée de Chantier, des Contrats de Professionnalisation, des Contrats de travail à Durée Indéterminée (CDI)…
L’Article 14 du Code des Marchés Publics est le plus utilisé. Sur le territoire de Valenciennes
Métropole, depuis 2003, la plupart des marchés publics relatifs aux bâtiments et travaux publics sont soumis à cet article. De plus, les grands travaux liés à la restructuration urbaine du Valenciennois ont constitué une véritable opportunité pour le développement de l’emploi, tant sur le plan de l’insertion des demandeurs d’emploi locaux que sur le plan du développement et de la qualification de leurs compétences.

Le recours systématique aux clauses d’insertion a eu un effet incontestable sur le recrutement des demandeurs d’emploi du territoire.
Article 30 du CMP :
Les marchés de services, d’insertion professionnelles et/ou de qualification
Définition
Le Code des Marchés Publics prévoit les possibilités pour un donneur d’ordre public de passer un marché de services «d’insertion et/ou de qualification». Dans ce cas, l’objet du marché est l’achat d’une prestation d’insertion axée sur des prestations de travail ou de services tels que le nettoyage, l’entretien des espaces verts…
Tout donneur d’ordre achète une action d’insertion. L’analyse du marché se fera sur la pertinence de la démarche d’insertion (évaluation du dispositif d’accompagnement et de soutien professionnel envisagé, évaluation de la formation proposée aux salariés…) et du coût du dispositif d’insertion sociale et professionnelle.
Les activités supports d’une prestation d’insertion
Dès lors que la démarche d’achat de prestations d’insertion est envisagée de manière professionnelle, c’est-à-dire avec les trois piliers fondateurs que sont l’encadrement technique, l’accompagnement socioprofessionnel et la formation, on peut la mettre en œuvre en s’appuyant sur des supports d’activités très diversifiés. Peuvent également être concernées des activités de déménagement, de fauchage, de tonte, de débroussaillage de terrains,… L’activité support des marchés d’insertion et de qualification professionnelles varie selon l’offre d’insertion territoriale. Pour autant, les Structures d’Insertion par l’Activité Economique sont en capacité de s’organiser pour diversifier leurs actions en réponse aux

besoins des donneurs d’ordre. Les acheteurs publics peuvent identifier ces activités supports des démarches d’insertion, quand ils établissent la liste des programmes de travaux
ou de services. Il suffit au moment de la définition des besoins de prendre en compte les objectifs du développement durable parmi lesquels figurent le progrès social et de rechercher l’opportunité qui peut se présenter. Si le regard est attentif, il faudra mettre en œuvre une logique d’achat de prestations d’insertion prenant appui sur des supports d’activités.

Le recours aux Ateliers et Chantiers d’Insertion (ACI)
Selon l’Article L.5132-15 du Code du Travail, les ateliers et chantiers d’insertion (ACI) ont pour mission :
  • D’assurer l’accueil, l’embauche et la mise au travail sur des actions collectives des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières.
  • D’organiser le suivi, l’accompagnement, l’encadrement technique et la formation de leurs salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d’une insertion professionnelle durable.
Selon la loi, la prestation de l’ACI est une prestation d’insertion sociale et professionnelle qui
s’appuie sur du suivi, de l’accompagnement, de l’encadrement technique et de la formation des salariés.

Pour cette prestation, l’ACI bénéficie de subventions. Mais l’autofinancement est nécessaire.
A cet effet, les collectivités publiques peuvent décider d’acheter à la structure porteuse de l’ACI des prestations d’insertion qui prennent appui sur des activités qui ne sont que les supports de la démarche d’insertion. L’activité n’a de sens que dans son rapport à l’insertion ; ce qui importe c’est la démarche d’insertion. Cela ne signifie pas que l’activité de production sur laquelle s’appuie la démarche d’insertion n’est pas importante et qu’elle puisse être négligée. Bien au contraire, la culture du travail bien fait, répondant à des exigences de qualité, est une valeur fondatrice d’une démarche d’insertion qui veut réussir. Cela signifie simplement que l’activité de production doit toujours être au service de la démarche d’insertion et ne jamais être une fin en soi.

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